Mankell et Camilleri. Le
Suédois et le Sicilien. L’homme du Nord et celui du Sud.
Je viens de relire « L’homme inquiet » sorti en 2009.
C’est l’ultime épisode de la douzaine d’opus qui constituent, tel un opéra
wagnérien, cette extraordinaire saga nordique.
Dans cette enquête émouvante
menée par un Kurt Wallander vieillissant, dépressif, nostalgique, mais toujours
impliqué dans la dénonciation des origines du malaise profond de la société
suédoise et persévérant, on se retrouve dans l’univers glauque de la guerre
froide et ses sordides prolongements bien après la chute du mur de Berlin. Le
commissaire Wallander est au bout du rouleau. La maladie d’Alzheimer n’est pas
loin.
Relire ce roman aujourd’hui, après la mort de l’écrivain, laisse un goût amer
et révèle à mes yeux l’attachement profond qui le liait à son personnage. Il
avait prétendu, lors d’un débat, que si Wallander existait il n’en ferait pas
un ami. Je me permets d’en douter.
On n’oubliera pas que le
personnage du commissaire Kurt Wallander qui évolue en Scanie dans une petite
ville, Ystad, a été inventé par Henning Mankell pour raconter la montée du
racisme en Scandinavie. C’était le premier épisode de la série sorti en
1991 : « Meurtriers sans visage ».
Dans « L’âge du doute », on retrouve avec
plaisir la verve d’Andrea Camilleri. Son commissaire Montalbano est au mieux de
sa forme. Après, il faut bien le reconnaître, quelques sorties plus décevantes.
Toujours séducteurs et séduit. La truculence des dialogues, les recettes de
cuisine sicilienne, les paysages, tout est réuni pour faire de ce roman un
excellent moment de lecture, sans « prise de tête » comme disent les
jeunes.
Le bémol chez Camilleri, c’est
le problème de la langue. En préface de ce roman, sur 4 pages, son traducteur,
Serge Quadrupani, explique le difficile travail qu’il doit accomplir. La langue
de Camilleri est un subtil mélange d’Italien, de Sicilien et aussi de la propre
langue imagée de l’auteur. La traduction prend dans ce genre de littérature une
importance d’autant plus grande. Pour ma part, je regrette certains mots
traduits d’une manière qui n’apporte pas grand-chose au « parler » de
Montalbano et des autres personnages. Dans certains cas ces expressions peuvent
même nuire à la fluidité du récit. Par exemple le « a » devant les
verbes tels que reconnaître, retrouver, etc.
Deux auteurs de polars, deux
styles très différents, ancrés l’un et l’autre dans leur culture.
Crépusculaire, automnale, ventée et glaciale pour l’un, ensoleillée, chaude, exubérante
pour l’autre. Mais un même talent de conteur, de créateur d’ambiance, et une
vision de la société qui, au-delà des apparences, n’est peut-être pas aussi
éloignée que cela. Pessimiste et désabusée. Sombre et désespérée pour l'un. Malicieuse et ironique pour l'autre.
Leurs personnages récurrents
ne se ressemblent pas, mais ils sont l’un et l’autre bien vivants, attachants
et bien dans leur époque.
Mes notes : L’homme
inquiet : 9/10 L’âge du doute :
7/10
L’homme inquiet.
Henning Mankell Points poche 594 pages 8.30 €
L’âge du doute.
Andrea Camilleri Pocket 260 pages 6.80 €
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