La littérature policière s’efforce de refléter la société telle qu'elle a été, qu'elle est, ou qu'elle devient.
Est-ce prétendre, alors, qu’énigmes, crimes ou intrigues, ne sont que prétextes à évoquer des faits passés, actuels ou futurs, qu'ils soient politiques, économiques, sociaux, régionaux ou nationaux, voire internationaux ?
Certainement pas.
Néanmoins l'enquête policière se déroule dans un environnement donné. Enquêteurs et criminels sont des hommes et des femmes immergés dans ce contexte.
Pour ce qui est de l'environnement, dans mes polars, c'est le Sud. Le sud de la France, et plus particulièrement, le Var, ses paysages, son climat, la mer, la mentalité de ses habitants, l'apparente convivialité et la violence sous-jacente.
Pour le contexte sociétal, ce sont les grands thèmes qui marquent notre époque : les injustices, la science, l'écologie, le climat, les migrations, le terrorisme, les droits de l'homme, le nationalisme, etc...

samedi 21 novembre 2015

Le Nord et le Sud

Mankell et Camilleri. Le Suédois et le Sicilien. L’homme du Nord et celui du Sud.

   Je viens de relire « L’homme inquiet » sorti en 2009. C’est l’ultime épisode de la douzaine d’opus qui constituent, tel un opéra wagnérien, cette extraordinaire saga nordique. 
   Dans cette enquête émouvante menée par un Kurt Wallander vieillissant, dépressif, nostalgique, mais toujours impliqué dans la dénonciation des origines du malaise profond de la société suédoise et persévérant, on se retrouve dans l’univers glauque de la guerre froide et ses sordides prolongements bien après la chute du mur de Berlin. Le commissaire Wallander est au bout du rouleau. La maladie d’Alzheimer n’est pas loin. 
   Relire ce roman aujourd’hui, après la mort de l’écrivain, laisse un goût amer et révèle à mes yeux l’attachement profond qui le liait à son personnage. Il avait prétendu, lors d’un débat, que si Wallander existait il n’en ferait pas un ami. Je me permets d’en douter.
   On n’oubliera pas que le personnage du commissaire Kurt Wallander qui évolue en Scanie dans une petite ville, Ystad, a été inventé par Henning Mankell pour raconter la montée du racisme en Scandinavie. C’était le premier épisode de la série sorti en 1991 : « Meurtriers sans visage ».

   Dans « L’âge du doute », on retrouve avec plaisir la verve d’Andrea Camilleri. Son commissaire Montalbano est au mieux de sa forme. Après, il faut bien le reconnaître, quelques sorties plus décevantes. Toujours séducteurs et séduit. La truculence des dialogues, les recettes de cuisine sicilienne, les paysages, tout est réuni pour faire de ce roman un excellent moment de lecture, sans « prise de tête » comme disent les jeunes.
   Le bémol chez Camilleri, c’est le problème de la langue. En préface de ce roman, sur 4 pages, son traducteur, Serge Quadrupani, explique le difficile travail qu’il doit accomplir. La langue de Camilleri est un subtil mélange d’Italien, de Sicilien et aussi de la propre langue imagée de l’auteur. La traduction prend dans ce genre de littérature une importance d’autant plus grande. Pour ma part, je regrette certains mots traduits d’une manière qui n’apporte pas grand-chose au « parler » de Montalbano et des autres personnages. Dans certains cas ces expressions peuvent même nuire à la fluidité du récit. Par exemple le « a » devant les verbes tels que reconnaître, retrouver, etc.

   Deux auteurs de polars, deux styles très différents, ancrés l’un et l’autre dans leur culture. Crépusculaire, automnale, ventée et glaciale pour l’un, ensoleillée, chaude, exubérante pour l’autre. Mais un même talent de conteur, de créateur d’ambiance, et une vision de la société qui, au-delà des apparences, n’est peut-être pas aussi éloignée que cela. Pessimiste et désabusée. Sombre et désespérée pour l'un. Malicieuse et ironique pour l'autre.
   Leurs personnages récurrents ne se ressemblent pas, mais ils sont l’un et l’autre bien vivants, attachants et bien dans leur époque.

   Mes notes : L’homme inquiet : 9/10   L’âge du doute : 7/10


L’homme inquiet. Henning Mankell Points poche 594 pages 8.30 €
L’âge du doute. Andrea Camilleri  Pocket 260 pages 6.80 €

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