Les
auteurs de polars du nord de l’Europe, Henning Mankell, Stieg Larsson, Camilla Läckberg,
les suédois, ou encore Arnaldur Indridason, l’islandais, sont souvent
considérés en France par de nombreux critiques spécialisés, comme les maîtres
du polar. Beaucoup de lecteurs que je rencontre à l’occasion des salons
littéraires auxquels je participe partagent cet avis.
Comment
expliquer un tel engouement, une telle adhésion ?
J’y
vois au moins trois raisons de fond et une raison que je qualifierais de technique.
Commençons
donc par évoquer la raison technique. Ces auteurs étrangers – et le mérite en
revient sans doute à leurs éditeurs français – sont remarquablement traduits
dans notre langue. Je trouve regrettable que le travail de ces traducteurs
talentueux ne soit pas valorisé comme il se devrait. Que vaudrait en effet, Les
chiens de Riga d’Henning Mankell sans le vocabulaire ciselé d’Anna Gibson qui
nous dévoile le style très recherché de l’écrivain suédois ? L’Islande
sombre et fantomatique d’Arnaldur Indridason, décrite dans La femme en
vert, nous serait-elle accessible sans
la fluidité du récit qu’en fait Eric Boury ? Les enquêtes d’Erica Falck,
dans La princesse des glaces ou dans Le prédicateur, nous passionneraient-elles
autant si Lena Grumbach, Marc de Gouvenain ou Catherine Marcus, n’avaient pas
su s’imprégner de la sensibilité de la suédoise Camilla Läckberg et nous faire
aimer le style direct et familier, voire populaire, de cette jeune auteure ?
Pour
moi, ces traducteurs sont de véritables écrivains qui mériteraient plus de
considération.
La
première raison de fond que je vois dans le succès de ces auteurs nordiques
tient bien entendu – c’est la moindre des choses me direz-vous – dans le choix
de l’affaire criminelle qui nous est présentée. La psychologie des personnages
principaux et secondaires, tout autant les criminels que les enquêteurs, occupe
une place centrale dans le récit. C’est en cela, sans doute, que ces auteurs,
plus que d’autres peut-être, contribuent grandement à l’évolution du polar vers
la reconnaissance d’un genre littéraire majeur, qui s’éloignerait du
« roman de gare ». Je sais que cette vision des choses n’est pas
partagée par tout le monde.
La deuxième raison de cette réussite littéraire est à rechercher, à mes yeux, dans la construction même du récit qui alterne habilement les séquences de la vie des personnages, leurs familles, leurs amours, leurs difficultés matérielles, avec les séquences propres à l’enquête. Ces écrivains ne craignent pas ces ruptures dialectiques dans le récit. C’est, pour moi, une réponse magistrale à la critique d’un éditeur qui me reprochait précisément ce morcellement intempestif du déroulement de l’enquête policière dans un de mes manuscrits.
La
troisième raison, enfin, la plus significative, tient à l’immersion de
l’enquête et de l’affaire criminelle, dans le contexte sociologique, politique,
historique et même économique et écologique, du lieu, et qui nous fait mieux
connaître ainsi ces pays du nord de l’Europe que l’on a tendance, sans doute un peu
trop, à idéaliser.
Vous
avez compris, je l’espère, que ces auteurs venus du froid, sont mes modèles.
Mes inspirateurs. Quel mot stupide !
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