La littérature policière s’efforce de refléter la société telle qu'elle a été, qu'elle est, ou qu'elle devient.
Est-ce prétendre, alors, qu’énigmes, crimes ou intrigues, ne sont que prétextes à évoquer des faits passés, actuels ou futurs, qu'ils soient politiques, économiques, sociaux, régionaux ou nationaux, voire internationaux ?
Certainement pas.
Néanmoins l'enquête policière se déroule dans un environnement donné. Enquêteurs et criminels sont des hommes et des femmes immergés dans ce contexte.
Pour ce qui est de l'environnement, dans mes polars, c'est le Sud. Le sud de la France, et plus particulièrement, le Var, ses paysages, son climat, la mer, la mentalité de ses habitants, l'apparente convivialité et la violence sous-jacente.
Pour le contexte sociétal, ce sont les grands thèmes qui marquent notre époque : les injustices, la science, l'écologie, le climat, les migrations, le terrorisme, les droits de l'homme, le nationalisme, etc...

mercredi 16 avril 2014

Le règne de Saturne

Un extrait.    

    
Vendredi 31 août
Chemin Raoul-Coletta, impasse des Genêts


Branle-bas de combat à l’hôtel de police de Toulon.
Ce matin-là, à la demande du procureur Versini, le commissaire divisionnaire Jean-Pierre Dumoulin avait convoqué en salle de réunion, tous les officiers et sous-officiers disponibles. L’effectif n’était pas encore au complet, mais ils étaient une demi-douzaine autour de la grande table. Le procureur annonça le but de la réunion qui ne dura que quelques minutes. Le cadavre d’un homme d’une cinquantaine d’années, sauvagement égorgé, avait été découvert dans une rue de Sanary, pas loin de son domicile.
Lorsque le magistrat révéla l’identité de l’homme assassiné, le capitaine Aubin et le lieutenant Aubert revendiquèrent l’enquête. Il s’agissait du kiné Frédéric Nardi.
Ils appelèrent Thibault Silvere en passant devant le kiosque de l’accueil et se rendirent immédiatement au commissariat de Sanary. Ils demandèrent à voir le lieutenant Sardi qui avait commencé l’enquête.
– Nous avons relevé l’identité de la victime. C’est un dénommé Nardi Frédéric, né le 11 juillet 1972 à Marseille. Kinésithérapeute, cabinet installé à Sanary, chemin des Mas-de-l’Huide. Marié, deux enfants, un garçon de quinze ans et une fille de douze ans, demeurant Chemin Raoul-Coletta, impasse des Genêts. C’est justement devant sa villa qu’un habitant du quartier l’a trouvé ce matin. Il était 6 h 18 lorsque nous avons été prévenus. C’était pas beau à voir. Égorgé… Il gisait dans une mare de sang.
– Vous avez, bien sûr, relevé l’identité de celui qui a découvert le corps ? demanda Silvere.
– …
Le lieutenant Sardi, vexé par cette question, ne répondit pas.
– Nous sommes un peu sur les dents, en ce moment, dit Vincent Aubert pour excuser son collègue.
– Où est le cadavre ? questionna le capitaine Aubin.
– Je l’ai fait transporter à la morgue de l’hôpital Sainte-Anne, à Toulon. Vous voulez voir les photos ?
Le policier de Sanary ouvrit une chemise rouge et en sortit une série de photos de la victime. L’homme était couché sur le côté, une profonde entaille noirâtre sur la face avant du cou, au niveau de la pomme d’Adam, laissait deviner la trachée-artère béante.
– Vous avez pu interroger l’épouse de monsieur Nardi ? demanda Aubin.
– Oui… Elle n’a pas l’air spécialement affectée.
‒ Et les enfants ?
‒ Ils sont chez leurs grands-parents, dans le Vaucluse. Ils doivent revenir demain pour la rentrée des classes, lundi.
Les trois policiers toulonnais demandèrent à leur collègue sanaryen de les conduire sur les lieux du drame.
Deux gardiens de la paix étaient restés sur place. Le périmètre de la scène de crime était matérialisé par un ruban jaune autour de quatre plots en béton. Dans l’attente des officiers de la PJ toulonnaise, tout avait été laissé tel que les policiers avaient découvert le cadavre le matin même. Le lieutenant Sardi leur montra une large tache brunâtre sur le trottoir le long duquel était stationnée la voiture. La victime avait dû se vider de son sang. La Nissan Juke rouge, portière côté conducteur ouverte, laissait supposer que le kiné avait été agressé au moment où, après s’être garé, il sortait de sa voiture. Les policiers l’avaient trouvé, gisant sur le trottoir, le pied droit encore dans l’habitacle. D’après sa femme, il avait été invité à une soirée-débat organisée par son association, L’Âge d’or.
Comme à son habitude, le brigadier-chef Thibault Silvere fit des photos. Par acquit de conscience, les quatre hommes fouillèrent du regard autour de la tache de sang et dans la voiture. Mais, à l’instar de leurs collègues du commissariat de Sanary, ils ne recueillirent aucun indice.
Aucun des voisins interrogés par les policiers locaux n’avait entendu le moindre bruit suspect cette nuit-là. L’indifférence, le repli sur soi, la peur maladive, infondée de l’insécurité, la surdité des habitants plutôt âgés de ce quartier rupin ?
Vu la blessure et la position de la victime, il était probable que la mort avait dû être extrêmement brutale.
Félicien Aubin demanda au lieutenant Sardi, poliment cette fois, de fouiller consciencieusement le cabinet de kinésithérapie et d’apposer les scellés sur la porte.
En rentrant à Toulon, les trois policiers essayèrent de comprendre quel pouvait être le mobile de ce crime. Le nom de Guy Couturier revenait sans cesse dans leurs propos.
Ils firent un détour par l’hôpital Sainte-Anne. Ils se rendirent à la morgue. Le médecin légiste venait d’arriver, il les accueillit froidement. Ils demandèrent à voir le corps de Frédéric Nardi. L’autopsie n’avait pas encore commencé. Selon le docteur Guillaume Cloarec, compte tenu de l’état de la blessure, le crime avait dû avoir lieu entre 2 heures et 4 heures du matin.      
Les policiers n’en apprirent pas plus que ce qu’ils avaient pu voir sur les photos.




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