Un extrait.
Vendredi 31 août
Chemin Raoul-Coletta, impasse des Genêts
Branle-bas de combat à
l’hôtel de police de Toulon.
Ce matin-là, à la demande du
procureur Versini, le commissaire divisionnaire Jean-Pierre Dumoulin avait
convoqué en salle de réunion, tous les officiers et sous-officiers disponibles.
L’effectif n’était pas encore au complet, mais ils étaient une demi-douzaine
autour de la grande table. Le procureur annonça le but de la réunion qui ne
dura que quelques minutes. Le cadavre d’un homme d’une cinquantaine d’années,
sauvagement égorgé, avait été découvert dans une rue de Sanary, pas loin de son
domicile.
Lorsque le magistrat révéla
l’identité de l’homme assassiné, le capitaine Aubin et le lieutenant Aubert
revendiquèrent l’enquête. Il s’agissait du kiné Frédéric Nardi.
Ils appelèrent Thibault
Silvere en passant devant le kiosque de l’accueil et se rendirent immédiatement
au commissariat de Sanary. Ils demandèrent à voir le lieutenant Sardi qui avait
commencé l’enquête.
– Nous avons relevé l’identité
de la victime. C’est un dénommé Nardi Frédéric, né le 11 juillet 1972
à Marseille. Kinésithérapeute, cabinet installé à Sanary, chemin des
Mas-de-l’Huide. Marié, deux enfants, un garçon de quinze ans et une fille de
douze ans, demeurant Chemin Raoul-Coletta, impasse des Genêts. C’est justement
devant sa villa qu’un habitant du quartier l’a trouvé ce matin. Il était
6 h 18 lorsque nous avons été prévenus. C’était pas beau à voir.
Égorgé… Il gisait dans une mare de sang.
– Vous avez, bien sûr,
relevé l’identité de celui qui a découvert le corps ? demanda Silvere.
– …
Le lieutenant Sardi, vexé
par cette question, ne répondit pas.
– Nous sommes un peu sur les
dents, en ce moment, dit Vincent Aubert pour excuser son collègue.
– Où est le cadavre ?
questionna le capitaine Aubin.
– Je l’ai fait transporter à
la morgue de l’hôpital Sainte-Anne, à Toulon. Vous voulez voir les
photos ?
Le policier de Sanary ouvrit
une chemise rouge et en sortit une série de photos de la victime. L’homme était
couché sur le côté, une profonde entaille noirâtre sur la face avant du cou, au
niveau de la pomme d’Adam, laissait deviner la trachée-artère béante.
– Vous avez pu interroger
l’épouse de monsieur Nardi ? demanda Aubin.
– Oui… Elle n’a pas l’air
spécialement affectée.
‒ Et les enfants ?
‒ Ils sont chez leurs
grands-parents, dans le Vaucluse. Ils doivent revenir demain pour la rentrée
des classes, lundi.
Les trois policiers
toulonnais demandèrent à leur collègue sanaryen de les conduire sur les lieux
du drame.
Deux gardiens de la paix
étaient restés sur place. Le périmètre de la scène de crime était matérialisé
par un ruban jaune autour de quatre plots en béton. Dans l’attente des
officiers de la PJ toulonnaise, tout avait été laissé tel que les policiers
avaient découvert le cadavre le matin même. Le lieutenant Sardi leur montra une
large tache brunâtre sur le trottoir le long duquel était stationnée la
voiture. La victime avait dû se vider de son sang. La Nissan Juke rouge,
portière côté conducteur ouverte, laissait supposer que le kiné avait été
agressé au moment où, après s’être garé, il sortait de sa voiture. Les
policiers l’avaient trouvé, gisant sur le trottoir, le pied droit encore dans
l’habitacle. D’après sa femme, il avait été invité à une soirée-débat organisée
par son association, L’Âge d’or.
Comme à son habitude, le
brigadier-chef Thibault Silvere fit des photos. Par acquit de conscience, les
quatre hommes fouillèrent du regard autour de la tache de sang et dans la
voiture. Mais, à l’instar de leurs collègues du commissariat de Sanary, ils ne
recueillirent aucun indice.
Aucun des voisins interrogés
par les policiers locaux n’avait entendu le moindre bruit suspect cette
nuit-là. L’indifférence, le repli sur soi, la peur maladive, infondée de
l’insécurité, la surdité des habitants plutôt âgés de ce quartier rupin ?
Vu la blessure et la
position de la victime, il était probable que la mort avait dû être extrêmement
brutale.
Félicien Aubin demanda au
lieutenant Sardi, poliment cette fois, de fouiller consciencieusement le
cabinet de kinésithérapie et d’apposer les scellés sur la porte.
En rentrant à Toulon, les
trois policiers essayèrent de comprendre quel pouvait être le mobile de ce
crime. Le nom de Guy Couturier revenait sans cesse dans leurs propos.
Ils firent un détour par
l’hôpital Sainte-Anne. Ils se rendirent à la morgue. Le médecin légiste venait
d’arriver, il les accueillit froidement. Ils demandèrent à voir le corps de
Frédéric Nardi. L’autopsie n’avait pas encore commencé. Selon le docteur
Guillaume Cloarec, compte tenu de l’état de la blessure, le crime avait dû
avoir lieu entre 2 heures et 4 heures du matin.
Les policiers n’en apprirent pas plus que
ce qu’ils avaient pu voir sur les photos.
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